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Affaire d’Avallon et de sa maire suspectée d’implication dans un trafic de stupéfiants : étude de cas et perspectives

Affaire d’Avallon – Le dimanche 7 avril dernier, la maire d’Avallon (DVG) a été placée en garde à vue dans le cadre du démantèlement d’un trafic de stupéfiants dans sa commune. Ce n’est pas moins de 70 kg de résine de cannabis qui ont été découverts à son domicile. Quel impact sur le conseil municipal de la petite ville ? La maire va-t-elle perdre son mandat ? Politicae répond à toutes vos questions.

Tout d’abord, il est nécessaire de rappeler la présomption d’innocence dont bénéficie la maire d’Avallon dans cette affaire. L’enquête va suivre son cours et établira ou non son degré d’implication. Il ne nous appartient évidemment pas de commenter cette affaire sur le plan judiciaire. Cependant, celle-ci aura sans aucun doute des conséquences politiques, notamment quant à la sérénité du fonctionnement du conseil municipal. Les élus de l’opposition ne manquent pas d’appeler la maire à se mettre en retrait de la municipalité. Quatre perspectives sont ouvertes pour la maire d’Avallon :

  • Elle peut décider de simplement se mettre en retrait le temps de l’enquête, sans pour autant démissionner. Elle est alors remplacée par un adjoint disposant d’une délégation de signature.
  • Elle peut décider de démissionner de tout ou partie de ses fonctions.
  • Elle peut subir des démissions en cascade dans sa majorité municipale et dans l’opposition, jusqu’à provoquer une nouvelle élection.
  • Elle peut, enfin, être destituée, même si ce cas de figure est très rare.
 
scandale avallon

Le remplacement temporaire de la maire d’Avallon

Pour permettre la sérénité du fonctionnement du conseil municipal le temps de l’enquête, la maire peut décider de se mettre en retrait. En effet, rien, dans la loi, ne la contraint à démissionner, elle peut conserver ses fonctions. La mise en retrait n’est toutefois pas non plus prévue par les textes. Il s’agit d’une position politique consistant à se retirer de l’administration directe de la commune, en déléguant ses pouvoirs et sa signature à ses adjoints. 

Par rapport à la démission, cette décision présente l’avantage de maintenir l’équipe en place. En effet, la démission du maire entraine nécessairement celle des adjoints. Or, il peut être opportun que ces derniers assurent l’intérim dans la continuité. 

Des maires ont pu se mettre en retrait de cette manière pour des raisons personnelles, de santé, etc. C’est également la posture choisie par Gaël Perdriau, le maire de Saint-Etienne, dans le cadre d’une autre affaire judiciaire. 

Néanmoins, dans le cadre d’affaires judiciaires, cette position est assez risquée et difficilement tenable dans la durée, en raison des risques de fracture au sein de la majorité, de perte de confiance, etc

La démission de la maire suite à l'affaire d'Avallon

Les secousses politiques au sein de la commune et du conseil municipal peuvent néanmoins pousser la maire à démissionner. Dans ce cadre, deux cas de figure peuvent se présenter :

  • Soit elle démissionne uniquement de son mandat de maire, en conservant son siège de conseiller municipal,
  • Soit elle démissionne de l’ensemble de ses mandats : maire, conseiller municipal (et donc de conseillère communautaire).
 

Quel que soit le cas de figure, la démission est adressée au préfet du département, qui doit l’accepter pour qu’elle devienne définitive. Le conseil municipal se réunit alors dans un délai de quinze jours pour procéder à une nouvelle élection du maire et des adjoints. Si la maire démissionne également de son mandat de conseiller municipal, elle est remplacée par le candidat suivant dans la liste. Elle perd également son mandat de conseiller communautaire, puisque la qualité de conseiller municipal est nécessaire à l’exercice d’un mandat communautaire. 

La démission du maire n’entraîne donc pas nécessairement la tenue d’une nouvelle élection municipale, mais simplement celle du maire au sein du conseil. D’autres conditions doivent être réunies pour l’organisation d’une nouvelle élection. 

Vers l’organisation d’une nouvelle élection municipale à Avallon ?

Si cette affaire secoue suffisamment la majorité, elle peut provoquer des démissions au sein du conseil. L’article L270 du Code électoral prévoit, dans ce cas, l’organisation d’une élection partielle lorsque, notamment en raison des démissions successives, le conseil municipal a perdu le tiers de ses membres.

Dans les communes de plus de 1 000 habitants, comme c’est le cas à Avallon, la démission d’un conseiller municipal entraîne son remplacement par le candidat de la liste venant immédiatement après le dernier élu. Après épuisement des candidats sur la liste, le siège est vacant. Le conseil municipal d’Avallon comporte 29 sièges, le tiers est alors atteint au bout de 10 démissions. 

Lors des dernières municipales en 2020, la liste majoritaire d’Avallon comportait 31 candidats et 23 ont été élus. Depuis ces élections, il a été procédé à six remplacements dans la majorité, suite à des démissions ou des décès. Il ne reste ainsi plus que deux candidats de la liste non encore élus.

Il y aura donc lieu de procéder à une élection partielle si douze conseillers de la majorité présentent leur démission, le tiers des sièges vacants sera alors atteint. 

La maire d’Avallon peut-elle être destituée ?

Le Code général des collectivités territoriales (article L2122-16) prévoit deux cas de figure dans lesquels un maire peut être “destitué” : la suspension ou la révocation du maire. Ces procédures sont cependant lourdes et très rares.

La suspension d’un maire peut être prononcée par arrêté ministériel, de manière temporaire, pour une durée d’un mois maximum. On peut parfaitement envisager qu’une telle décision soit prise si le maire perd toute crédibilité ou autorité morale pour exercer sereinement ses fonctions et si cela entrave le fonctionnement normal du conseil municipal. Cependant, les précédents en ce domaine résultent généralement d’une condamnation judiciaire et non simplement d’une garde-à-vue.

S’agissant de la révocation, cette décision peut être prise en vertu des mêmes motivations (perte d’autorité, fonctionnement entravé du conseil, etc.). La procédure est néanmoins plus lourde, puisqu’elle consiste en un décret pris en Conseil des ministres. L’avenir nous dira si le fonctionnement du conseil est entravé et si une telle mesure est opportune.

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Historique politique de la commune d’Avallon

Analyse des scrutins municipaux d’Avallon : 

Historiquement, la ville d’Avallon n’est pas particulièrement ancrée politiquement, ayant porté à la fonction de premier édile successivement des représentants du RPR et du PS depuis 1977, même si ce dernier domine depuis 2001.

En effet, Jean-Yves Caullet (encarté PS) est devenu député en 1997 lors de la vague PS, ce qui l’a propulsé ensuite vers la Mairie d’Avallon qu’il a gagnée pour la 1ère fois en 2001 avec 61% des voix. Il a ensuite gagné 3 fois consécutivement les élections municipales en 2008, 2014 et 2020. 

Réélu en 2008 au premier tour avec 61% des voix dans un duel, il est renouvelé dans ses fonctions en 2014 en résistant à la vague de droite de ces élections municipales lors d’un tour unique à trois listes qui voit l’arrivée du FN dans cette commune. Il évite le second tour avec un score de 51% des voix.

maire avallon

Les élections de 2020 sont marquées par un fort abstentionnisme pour raisons de COVID et Avallon n’échappe pas à la règle, avec plus de 57% d’abstention au premier tour. Au cœur de cette triste dynamique, cette élection est une surprise pour Jean-Yves Caullet, puisqu’il doit pour la première fois affronter la réalité d’un second tour. Avec notamment une forte poussée de la liste divers droite à plus de 35%, la confirmation de la progression du RN avec une liste à 12%, qui s’ancre de façon durable dans le paysage politique local, nous pouvons noter aussi l’arrivée d’un candidat Lutte ouvrière à 4%.

Le second tour confirme la tendance à l’abstention mais indique par ailleurs la présence d’un bloc de droite dans la commune. Jean-Yves Caullet est élu une quatrième fois avec 55% des voix, confirmant ainsi la prime au sortant doublé d’un phénomène de lassitude élective incarné par la forte abstention. En 2021, il démissionne au profit de Jamilah Habsaoui. 

Analyse participation Avallon

Analyse des scrutins nationaux :

Les présidentielles et législatives 2022 apportent un éclairage plus insistant sur la couleur politique de la commune. En effet, au premier tour des présidentielles, Marine Le Pen et Emmanuel Macron arrivent ex-aequo en tête. Au second tour, l’inflexion vers Emmanuel Macron est assez nette, mais en grande partie grâce aux reports de voix de la NUPES, 3ème force politique du premier tour.

Les législatives ne font que confirmer ces enseignements. Audrey Lopes, élue RN sans ancrage dans la circonscription, se classe tout de même troisième derrière le parti présidentiel et la NUPES avec un score respectable (22%). La NUPES suivra la politique du parti en cas de triangulaire en se retirant au profit du parti de la majorité et Audrey Lopes terminera à 41% derrière André Villiers pour le parti Ensemble.

Analyse des scrutins européens, départementaux et régionaux :

Cette tendance d’un renforcement du bloc de droite se confirme dans les grands scrutins récents. Les européennes de 2019 ont en effet placé en tête le parti de Marine Le Pen dans la commune, devançant assez nettement le parti de la majorité (27% contre 22%) et surtout maintenant tous les autres partis d’impact national sous les 10%. 

Dans cette commune, on constate une forte ambivalence lors des élections départementales et régionales. En effet, les Avallonnais ont plébiscité une liste de gauche aux régionales et des candidats de droite et du centre aux départementales. Lors de ce scrutin, le seul binôme nettement orienté à gauche n’a pas dépassé les 15% des suffrages exprimés quand l’ensemble de la droite (DVD, RN et souverainistes) se situe au-delà des 50% lors du premier tour. Les dissensions à droite ont néanmoins favorisé la victoire la victoire au second tour d’un binôme divers centre.

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Analyses et perspectives suite à l'affaire d'Avallon

Fief de la gauche depuis 25 ans, Avallon est une ville de 7 000 habitants. La situation électorale locale est marquée par une très grande stabilité. Le maire historique a été élu sans discontinuer entre 2001 et 2021, dans ce qui a été une chasse gardée socialiste dans une circonscription législative pourtant davantage marquée à droite.

La situation locale a évolué depuis 2021. D’abord, le maire a été réélu en 2020 plus difficilement que d’habitude puisqu’il a dû attendre le 2nd tour, dans un contexte de très forte abstention. Il a démissionné de ses fonctions en 2021 pour laisser la main à sa 1ère adjointe qui est devenue maire. Un mois plus tard l’ancien maire démissionnait avec fracas du conseil municipal suite à un désaccord avec sa successeur. L’analyse électorale sur le temps long permet de constater une abstention très forte sur longue période dans les élections locales. Cela laisse à penser que beaucoup d’électeurs ne se déplacent pas aux élections municipales car l’élection semble jouée d’avance.

Dans l’hypothèse d’une partielle, il est probable que la gauche soit divisée entre les « historiques » du parti socialiste et la gauche proche d’En Marche. Le socle LR se situe autour de 35%. A noter que le RN a un élu municipal et dispose d’un socle autour de 10/15%. Le RN présente une liste à l’élection municipale depuis 2014 ce qui prouve un ancrage local certain. 

Dans l’hypothèse d’une démission et / ou d’une partielle suite à la mise en examen du maire il est probable que les enjeux d’éthique et d’exemplarité des élus seront au cœur de la prochaine campagne électorale. Pour la première fois depuis longtemps l’élection semble plus ouverte surtout en cas triangulaire (PS/LR/RN) ou de quadrangulaire (PS/EM/LR/RN) d’autant que le contexte local peut pousser un plus grand nombre d’électeurs à se rendre aux urnes à la différence des scrutins précédents. 

Pour rappel, seules les listes ayant obtenu au premier tour au moins 10 % des suffrages peuvent se maintenir au second tour. Elles peuvent être modifiées, notamment par fusion avec d’autres listes ayant obtenu au moins 5 % des suffrages.

Ces éléments laissent à croire que dans l’hypothèse d’une nouvelle élection municipale, le potentiel électoral se trouve désormais à la droite de l’échiquier politique, sous réserve d’une candidature transverse et non partisane, permettant de récolter les voix de la majorité présidentielle jusqu’à la droite souverainiste. Il y a fort à penser que le RN présentera une liste dont le score sera en progression, sans pour autant pouvoir l’emporter. Le bloc de gauche, peut quant à lui trouver son salut dans la personnalité reconnue de l’ancien maire qui pourrait organiser son retour. Cette perspective reste pour autant difficile puisqu’il est considéré comme un proche de la maire actuelle, malgré de récents désaccords publics.