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L’affaire du Barcarès et la responsabilité pénale du maire

Le mardi 30 avril 2024, le maire (DVD) du Barcarès dans les Pyrénées-Orientales, a été placé en détention dans le cadre d’une affaire judiciaire. Il est soupçonné de corruption, favoritisme, prise illégale d’intérêts, association de malfaiteurs, blanchiment et transfert non déclaré de sommes provenant de l’étranger. Comme dans notre précédent article sur Avallon, nous allons revenir non pas sur le fond de l’affaire, la présomption d’innocence prime, mais sur ses conséquences politiques et juridiques. Comment l’affaire du “Balkany du sud” permet d’illustrer la responsabilité pénale du maire ?

Affaire du Barcarès la responsabilité pénale du maire

La responsabilité pénale du maire

Le maire du Barcarès est mis en cause dans plusieurs affaires judiciaires, dont la plupart concernent des infractions particulières, visant des personnes exerçant une fonction publique, en premier lieu les élus. C’est le cas de la prise illégale d’intérêts, de la corruption, du favoritisme, etc. 

Comme tout justiciable, le maire peut engager sa responsabilité civile et pénale en cas de faute commise. Il n’existe pas de régime d’immunité pour les élus locaux. Cependant, il peut néanmoins bénéficier d’une protection fonctionnelle, en vertu de laquelle la commune prend en charge les frais de justice. La condition est néanmoins que les faits reprochés n’aient pas le caractère de faute détachable des fonctions (article L2123-34 du Code général des collectivités territoriales). Une faute détachable constitue une faute personnelle de l’auteur qui ne peut se retrancher derrière ses fonctions, même s’il agit dans le cadre de celles-ci. 

Dans une autre affaire, le maire de Barcarès est poursuivi pour favoritisme à l’occasion de l’attribution de marchés publics du village de Noël. Ces faits semblent bien avoir été commis lors de l’exercice de ses fonctions. Cependant, la Cour de cassation a jugé que certaines infractions pénales étaient par principe détachables des fonctions. C’est le cas notamment de la prise illégale d’intérêts et du favoritisme. Le maire du Barcarès ne devrait donc pas pouvoir bénéficier de la protection fonctionnelle dans cette affaire.

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Les conséquences de la mise en examen sur le mandat du maire

Comme dans les autres configurations où le maire est mis en examen et placé en détention provisoire, celui-ci peut parfaitement poursuivre son mandat. Il n’est en aucun cas contraint de démissionner et le conseil municipal ne peut le renverser avec un vote de défiance par exemple. Malgré cela, le maire doit s’assurer du soutien de sa majorité, puisque les conseillers peuvent s’opposer à tous ses projets, jusqu’à entraver le fonctionnement du conseil. Si cette situation a des conséquences graves pour la commune, la dissolution du conseil peut être décidée par décret.

Les conseillers municipaux peuvent décider de démissionner, jusqu’à entraîner la vacance du tiers des sièges (après remplacement par les suivants de liste). Une élection municipale partielle devra alors être organisée. En dehors de l’intervention du conseil, le maire peut perdre son mandat par une décision de révocation. Cette dernière est prise par décret en Conseil des ministres. En fonction des circonstances de l’espèce, il est décidé que le maire ne dispose plus de l’autorité morale pour exercer ses fonctions. 

Cependant, le principal risque pour le maire demeure la condamnation pénale à l’inéligibilité. L’article 131-26-2 du Code pénal liste les infractions pour lesquelles le juge doit prononcer l’inéligibilité. Les infractions dont il est question ici en font partie. Même si le juge dispose d’un pouvoir d’appréciation pour écarter cette peine, les condamnations pour prise illégale d’intérêts ou favoritisme d’un élu sont quasi systématiquement accompagnées de l’inéligibilité. Lorsque cette peine est définitive, le maire est alors déclaré démissionnaire d’office par le préfet, il perd tous ses mandats.

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Les circonstances locales particulières et les perspectives politiques

Le Barcarès se trouve dans une situation politique particulière. En effet, depuis 1995, la commune est alternativement dirigée par Alain Ferrand et son épouse Joëlle. En 1995, Alain Ferrand a été élu maire, avant de voir son élection invalidée par le juge administratif. Il est néanmoins réélu en 1996. Trois ans plus tard, en 1999, il est contraint de démissionner à la suite d’une condamnation à l’inéligibilité pour abus de biens sociaux et prise illégale d’intérêts. 

Son épouse, conseillère municipale à ses côtés, lui succède, avant de démissionner elle-même en 2011, à la suite de sa condamnation à une peine d’inéligibilité pour prise illégale d’intérêts. Une élection municipale partielle est organisée en août. Celle-ci voit le retour de son mari, qui a purgé sa peine. Celui-ci sera réélu en 2014 et en 2020. Fait insolite : en 2020, la majorité sortante fait face à une liste concurrente menée par … sa propre épouse. Cette dernière est alors élue conseillère d’opposition avant de démissionner en 2021. 

Ainsi depuis bientôt trente ans, les poursuites judiciaires et les condamnations n’auront pas suffi à écarter le couple Ferrand et surtout Alain Ferrand de la mairie du Barcarès. Cette affaire montre bien que les procédures prévues pour mettre fin au mandat du maire dépendent largement des circonstances politiques. Dès lors qu’il y a un soutien de la majorité des conseillers municipaux et surtout un soutien des habitants lors des élections, le maire peut conserver son mandat et poursuivre sa politique tant qu’il n’est pas révoqué ou rendu inéligible.