fbpx

Décès de Jean Tibéri: relecture de la vie politique de Paris

Le décès de Jean Tibéri, survenu ce lundi 20 mai 2025 à l’âge de 91 ans, marque la fin d’un chapitre singulier de la vie politique de Paris. Maire de 1995 à 2001, ancien député et figure centrale du Quartier latin, cet héritier du gaullisme municipal fut le dernier maire conservateur de la capitale. Avec sa disparition, c’est tout un pan de la politique locale qui revient sur le devant de la scène. Car Paris, ville-monde et capitale politique, est aussi une commune dont la gouvernance a longtemps échappé aux principes élémentaires de la démocratie locale. L’occasion est donc offerte de relire l’histoire politique de Paris au prisme de ses singularités statutaires.

Décès de Jean Tibéri, ancien maire de Paris

Décès de Jean Tibéri: disparition qui invite à repenser la gouvernance de la capitale

La gouvernance municipale de Paris repose sur une histoire tourmentée, façonnée par les secousses politiques du XIXe siècle. À la suite des événements de la Commune de 1871, l’État républicain choisit de se prémunir contre toute résurgence insurrectionnelle. Paris est alors privée de maire. Jusqu’en 1977, la ville demeure administrée directement par le préfet, autorité à la fois municipale et départementale. Seul un Conseil de Paris, composé d’élus locaux sans pouvoir exécutif, assure la représentation politique. Cette exception parisienne reflète une méfiance durable des institutions républicaines envers la capitale.

Il faudra attendre la loi du 31 décembre 1975, votée sous la présidence de Valéry Giscard d’Estaing, pour rétablir la fonction de maire de Paris. L’élection de Jacques Chirac en 1977 constitue alors une rupture historique. Pour la première fois depuis plus d’un siècle, la capitale retrouve un maire élu au suffrage universel indirect. Ce retour à la démocratie locale, néanmoins encadré par un statut particulier, marque le début d’une nouvelle ère municipale. Jean Tibéri s’y inscrit d’ailleurs pleinement.

Maire du 5e arrondissement à partir de 1983, il gravit progressivement les échelons de l’appareil parisien et en devient maire en 1995 couronnement de sa carrière. Par conséquent, Jean Tibéri incarne à la fois la continuité d’un gaullisme municipal pragmatique et les limites d’une gouvernance de Paris parfois perçue comme clientéliste.

Mais l’histoire politique de Paris ne se réduit pas à ses personnalités. Elle se caractérise aussi par une complexité institutionnelle singulière, régie depuis 1982 par la loi PLM. Cette loi distingue Paris de toutes les autres communes de France. À bien des égards, Paris demeure donc une exception territoriale. Ce que les récents débats parlementaires sur son statut administratif tendent à remettre en question.

Découvrez nos formations en ligne gratuites 🚀

L’équipe Politicae vous propose des formations en ligne gratuites pour vous aider à préparer votre campagne électorale.

La loi PLM : un statut à part pour une ville hors-norme

L’organisation municipale de Paris reste à ce jour encadrée par la loi dite « PLM » du 31 décembre 1982, du nom des trois villes qu’elle concerne : Paris, Lyon et Marseille. Cette loi a été voulue par le législateur comme une réponse à la complexité et à la densité de ces trois métropoles. Elle institue une double représentation. D’une part, un maire de la ville, d’autre part des maires d’arrondissement. À Paris, ce sont donc 20 conseils d’arrondissement qui cohabitent avec le Conseil de Paris, instance centrale qui cumule les fonctions de conseil municipal et de conseil départemental.

Jean Tibéri, élu maire du 5e arrondissement dès 1983, a incarné ce fonctionnement à deux niveaux. Il est l’un des rares à avoir exercé tous les rôles possibles dans cette architecture bicéphale. Ainsi, il fut maire d’arrondissement, conseiller de Paris, maire de la capitale, député, et même brièvement ministre délégué. Mais cette organisation a aussi montré ses limites. Le cumul des compétences et la difficulté à trancher entre logique municipale et départementale ont alimenté la confusion des responsabilités. Ces dernières années, plusieurs voix se sont élevées pour réformer, voire simplifier, la gouvernance parisienne.

Un projet de loi, actuellement en discussion, envisage ainsi d’aligner davantage le statut de Paris sur celui des autres grandes métropoles. Certains proposent surtout une réforme du mode de scrutin pour renforcer la lisibilité démocratique. L’objectif est de permettre aux électeurs de voter pour les conseillers municipaux en plus de voter pour les conseillers d’arrondissement. Dans cet esprit, ce sont deux scrutins qui seraient organisés, au lieu d’un seul. En creux, c’est la tension permanente entre gestion locale et rayonnement national de Paris qui se trouve posée.

Téléchargez nos livres blancs

L’équipe Politicae vous propose des livres blancs à télécharger gratuitement sur notre site internet. Télécharger le vôtre dès maintenant !

L’histoire politique contrastée de Paris, entre centralité nationale et particularisme communal

La vie politique parisienne ne saurait se comprendre sans tenir compte de sa double nature. Paris est à la fois une commune, peuplée d’environ deux millions d’habitants, et un symbole national. Cette dualité explique l’intensité des affrontements politiques qui s’y jouent et le poids symbolique que représente la fonction de maire. Jean Tibéri l’avait bien compris. Sa campagne de 1995, victorieuse face à Jacques Toubon, fut l’une des dernières à cristalliser des enjeux strictement locaux dans une ville pourtant toujours scrutée par le pouvoir central.

Depuis l’instauration de la mairie en 1977, avec l’élection de Jacques Chirac, le poste de maire de Paris est devenu un tremplin politique majeur. Il a permis à certains d’accéder à la plus haute fonction de l’État ou de se créer une stature nationale. Mais cette personnalisation de la vie municipale a parfois dissimulé les failles du système. Entre autres, l’opacité des circuits de décision, la faiblesse du contrôle démocratique à l’échelle des arrondissements, la confusion entre enjeux urbains et positionnements idéologiques.

La trajectoire de Jean Tibéri, marquée par une gestion de proximité, des accusations judiciaires récurrentes, et un ancrage profond dans le 5e arrondissement, incarne cette ambivalence. Il fut à la fois l’homme d’un quartier, attentif aux moindres détails du quotidien, et le chef d’une capitale souvent dépassée par sa propre complexité administrative. Aujourd’hui, les débats sur la démocratie locale, la concentration des pouvoirs et la simplification des structures se font plus pressants. La disparition de Jean Tibéri nous rappelle opportunément combien la vie politique parisienne reste un objet singulier, à la croisée du droit, de l’histoire et de l’imaginaire national français.