Avallon, Agde, Levallois-Perret…, l’actualité relate plusieurs configurations dans lesquelles des maires sont mis en cause dans une affaire judiciaire, jusqu’à être placés en détention provisoire. Il n’y a pas lieu de s’arrêter sur le fonds de ces dossiers, dans lesquels la présomption d’innocence s’impose, mais d’en étudier les conséquences politiques et juridiques. Les maires peuvent-ils perdre leur mandat ? Selon quelle procédure ?
L’engagement de la responsabilité du maire
Le principe de libre administration des collectivités territoriales implique une autonomie de gouvernement des communes par le maire et le conseil municipal. Le maire doit ainsi avant tout rendre des comptes aux habitants, par l’intermédiaire des membres du conseil. Son mandat ne peut donc a priori pas être remis en cause par l’Etat, sauf dans des cas bien délimités et selon une procédure relativement lourde.
Cette autonomie et libre administration ne signifient pas que le maire peut agir dans une impunité totale. Il demeure responsable de ses actes, soit dans le cadre de ses fonctions de maire, soit en dehors. Ainsi, il peut engager sa responsabilité civile ou pénale, sans bénéficier d’une quelconque forme d’immunité comme les parlementaires. Il peut donc être poursuivi et mis en cause pour les infractions qu’il commet le cas échéant. Tout d’abord, comme tout citoyen, le maire est concerné par les infractions de droit commun, mais en tant que personne exerçant une fonction publique, des infractions spécifiques sont susceptibles d’être caractérisées, comme la prise illégale d’intérêts par exemple. Dans le cadre d’une enquête, le maire peut être placé en détention provisoire.
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La possibilité de conserver son mandat en prison...
Il est très difficile de remettre en cause le mandat d’un maire, même s’il est poursuivi et placé en détention. En effet, rien ne l’oblige à démissionner et il ne peut être destitué par le conseil municipal. Le Code général des collectivités territoriales prévoit même son remplacement provisoire en cas d’empêchement (article L2122-17). Un adjoint exerce d’office la plénitude des fonctions du maire, afin d’assurer la continuité de l’action municipale.
Cependant, il semble que la prison ne soit pas un empêchement absolu pour le maire, puisque l’on a déjà vu des maires administrer leur commune et diriger le conseil municipal depuis leur cellule. Ce fut le cas de Georges Tron, ancien maire de Draveil dans l’Essonne, pendant trois mois avant qu’il ne finisse par démissionner.
…au risque d’entraver le fonctionnement du conseil municipal
Cette dernière configuration est sans doute extrême, dans la plupart des cas, les maires choisissent de se mettre en retrait le temps de l’enquête. Ils peuvent alors déléguer leurs fonctions à des adjoints, en se prévalant à juste titre de la présomption d’innocence. Cette situation est néanmoins précaire politiquement, puisqu’il doit s’assurer du soutien de sa majorité. Même si le conseil municipal ne peut destituer le maire, il peut bloquer ses projets. Les membres du conseil peuvent démissionner collectivement et provoquer ainsi une nouvelle élection. Plus radicalement, si les dissensions sont telles que le fonctionnement du conseil est entravé, le préfet peut solliciter sa dissolution. Dès lors qu’il y a des conséquences graves pour la gestion de la commune, celle-ci peut être décidée par décret en Conseil des ministres.
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La révocation du maire
L’inconvénient pour les conseillers municipaux, dans ces situations, est de remettre en cause leur mandat également et pas seulement celui du maire. Il existe alors un seul cas de figure dans lequel le maire peut être destitué sans que cela provoque le renouvellement du conseil : la révocation. Cette mesure est également prise par un décret en Conseil des ministres. Elle suppose que le maire ait commis des fautes particulièrement graves dans l’exercice de ses fonctions, ou alors qu’une quelconque faute entache durablement son autorité morale et l’empêche d’exercer normalement ses fonctions.
Le cas particulier d’une condamnation à la peine d’inéligibilité
A côté des mesures extrêmes de dissolution du conseil ou de révocation du maire, un cas particulier doit être envisagé : celui de la condamnation à une peine d’inéligibilité.
La jouissance des droits civils et politiques est une condition de validité de la présentation d’une candidature. Si l’inéligibilité intervient postérieurement à l’élection, en cours du mandat, elle remet nécessairement en cause celui-ci. Notamment, lors d’une condamnation pénale, le juge peut assortir la peine attachée à l’infraction d’une peine complémentaire d’inéligibilité, qui peut aller jusqu’à dix ans. L’article 131-26-2 du Code pénal liste les infractions pour lesquelles cette peine doit être prononcée, même si le juge conserve un pouvoir d’appréciation pour l’écarter.
Dans cette configuration, l’article L236 du Code électoral dispose que le préfet est tenu de déclarer le maire ou le conseiller démissionnaire. Il faut néanmoins que la condamnation soit définitive, car le recours contre une décision de justice suspend en principe son application. Le juge a cependant la faculté de rendre la peine exécutoire par provision. La démission d’office est alors déclarée et le maire perd ses mandats même s’il a fait appel de sa condamnation.